Un réseau européen pour l'électricité verte // Les "cannabis clubs" face à la bureaucratie allemande – DW – 26/06/2024
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Un réseau européen pour l'électricité verte // Les "cannabis clubs" face à la bureaucratie allemande

26 juin 2024

Pour atteindre la neutralité climatique, il faudrait mettre en place un réseau européen pour transporter l'électricité verte. Mais ce n'est pas gagné. // En Allemagne, l'ouverture des "cannabis clubs" est compromise par les lourdeurs administratives, trois mois après la légalisation du cannabis.

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Encore un trou à combler dans le budget de l'Etat allemand... Les chiffres sont tombés ce week-end: près de 9 milliards d'euros manquent pour financer le développement des énergies renouvelables, comme l'éolien ou le solaire ! 

Pour encourager la transition énergétique, l'Etat allemand garantit en effet depuis l'année 2000 un prix plus élevé aux fournisseurs d'électricité produite à partir de sources d'énergies renouvelables.

Dans le passé, cette compensation était financée par une taxe à la consommation. Mais le gouvernement a décidé de prendre les frais en charge. Sauf que depuis, le cours de l'électricité a fortement baissé à la bourse. Et les prévisions budgétaires ont été largement dépassées - presque le double de la somme prévue initialement !

L'infrastructure électrique à revoir pour les renouvelables

Kadri Simson, commissaire européenne chargée des questions énergétiques
Kadri Simson, commissaire européenne chargée des questions énergétiques, estime que l'Europe a déjà fait la moitié du chemin en matière de réseau électrique vertImage : Achmad Ibrahim/AP/picture alliance

Cet exemple de l'Allemagne montre la complexité de la transition énergétique pour les pays de l'Union européenne... qui se sont fixé un objectif de neutralité climatique d'ici à 2050. 

Pour que tout le continent puisse profiter de l'électricité produite à partir de sources renouvelables, il faut aussi mettre en place un réseau électrique européen capable de transporter cette électricité. Selon Kadri Simson, Commissaire européenne chargée de l'Energie depuis 2019, l'Europe a déjà fait la moitié du chemin :

"L’infrastructure électrique européenne est déjà très bien développée. Nous prévoyons d’électrifier différents secteurs, ce qui signifie que notre consommation d’énergie va doubler. Et bien sûr, cela veut dire que nous devons aussi renforcer notre réseau électrique. Nous devons le moderniser pour permettre l’installation de davantage d’énergies renouvelables."

Complémentarités géographiques

Les pays européens ont des atouts différents en matière de production d'électricité verte. Pour faire simple : dans le nord et au bord de la mer, il y a le vent et les éoliennes. Et dans le sud, c'est le soleil et l'énergie solaire. Une complémentarité qui n'est pas seulement géographique, selon Harald Bradke, directeur du centre de compétences pour les technologies et les systèmes énergétiques à l'Institut Fraunhofer de Karlsruhe.

Une centrale solaire à Madrigalejo, en Espagne
Dans le sud de l'Espagne, des kilomètres d'installations photovoltaïques produisent de l'électricité en quantitéImage : M. Woike/blickwinkel/picture alliance

"Le photovoltaïque et l’éolien se complètent bien parce que l’éolien produit de l’électricité principalement en hiver et le photovoltaïque surtout en été. Et nous avons aussi les capacités de stockage en Scandinavie et dans les pays alpins que sont l’Autriche, l’Italie et la Suisse. Quand la demande en électricité est plus élevée que ce que nous pouvons produire, on peut recourir à cette électricité."

Dans les régions montagneuses, des centrales de pompage-turbinage peuvent réguler les besoins d'électricité : s'il y en a trop, on peut l'utiliser pour pomper de l'eau dans un barrage et s'il en manque, l'eau évacuée fait tourner les turbines qui fonctionnent comme d'énormes batteries.

Selon Harald Bradke, plus les pays européens seront interconnectés, et plus l'approvisionnement en électricité verte sera efficace.

"Les avantages sont que l’électricité est moins chère parce qu’elle est achetée directement là où elle est produite à faible coût. Il n’est pas nécessaire d’allumer des centrales de réserve coûteuses qui ne tournent que quelques centaines d’heures par an pour produire de l’électricité. Au lieu de cela, on peut obtenir un équilibre en transportant l’électricité à travers l’Europe et en allant la chercher là où elle est particulièrement bon marché. Et tout le monde en profite."

Le problème des câbles à haute tension

Parc éolien d'Albertshof, dans le Brandebourg
Ce parc éolien dans le nord-est de l'Allemagne pourrait fournir de l'électricité au sud en hiverImage : Patrick Pleul/dpa/picture alliance

Pour que tout le monde en profite, justement, il faudrait étendre le réseau de lignes à haute tension. Et c'est là que les choses se corsent. On peut le voir rien qu'en regardant la carte de l'Allemagne. Le nord du pays produit beaucoup d'électricité grâce à l'éolien, mais c'est le sud, où se trouvent les grands centres industriels, qui en a le plus besoin. Or en Allemagne, la construction de réseaux électriques nord-sud n'avance que lentement...

"C'est un gros problème. Nous avons un retard d’environ sept ans sur l’extension du réseau et nous aurions déjà dû avoir 6000 kilomètres de plus depuis longtemps."

Ce n'est pas seulement un problème d'argent. De nombreux riverains s'opposent à la construction de pylônes électriques : ils craignent par exemple des problèmes de santé ou bien que leur terrain perde de la valeur. L'enfouissement des câbles n'est pas non plus une solution : il coûte cher et nuit à l'agriculture, explique encore Harald Bradke...

"Ces câbles souterrains sont bien plus chers que les câbles aériens. Et ils ne sont pas très bons pour les agriculteurs. Les courants haute tension ont des pertes et assèchent les sols. Là où se trouvent les câbles, à un mètre et demi de profondeur et sur une longueur de 20 à 25 mètres, un agriculteur ne peut pratiquement rien planter et doit être dédommagé en conséquence." 

Quels financement pour le nouveau réseau ?

L'exemple allemand montre l'ampleur du défi que représente une interconnexion entre plusieurs pays de l'UE. Pour autant, la commissaire européenne à l'Energie, Kadri Simson, estime qu'il y a des solutions.

"Les interconnexions transfrontalières exigent une plus grande part d’argent public. Car sinon, les litiges concernant le bénéficiaire – celui qui produit des renouvelables ou celui qui les consomme – risquent de durer trop longtemps. Donc pour l’infrastructure transfrontalière, l’argent public est un moyen de résoudre les conflits."

Les règles pour la construction des réseaux transeuropéens (RTE-E) ont été adaptées afin de faciliter l'accès aux financements européens, dans l'objectif d'accélérer le développement des renouvelables. La Commissaire estonienne s'engage également à renforcer le fonds "Connecting Europe Facility" mis en place par l'UE.

"Pour cette décennie, nous avons besoin de 800 milliards d’euros. Mais gardez à l’esprit que rien qu’en 2022, les consommateurs européens ont payé 600 milliards d’euros pour acheter des combustibles fossiles à des pays tiers. Donc cela peut sembler un besoin massif d’investissement, mais dans le même temps, les combustibles fossiles ne sont pas gratuits non plus."

Le lancement de la première liaison électrique entre l'Allemagne et la Grande-Bretagne à Wilhelmshaven, le 21 mai 2024
L'Allemagne et le Royaume-Uni construisent une ligne sous-marine entre les deux pays, avec des fonds privésImage : Sina Schuldt/dpa/picture alliance

Une partie des coûts pourrait tout à fait être supportée par des investisseurs privés, estime pour sa part l'expert en énergie Harald Bradke. Il donne pour exemple la construction d'une ligne électrique entre l'Allemagne et la Grande-Bretagne, qui doit être financée exclusivement par des fonds privés. 

"Les grandes compagnies d’assurance et les fonds de pensions cherchent des placements financiers sûrs. Le rendement ne doit pas être trop élevé : 4 à 6 % suffisent. Mais il doit être sûr et sur le long terme."

Harald Bradke fait toutefois remarquer que l'argent ne fait pas tout dans l'extension du réseau. Selon lui, il est important d'évaluer les besoins réels pour éviter de se retrouver avec des ruines de lignes à haute tension dont plus personne n'aurait besoin...

Le cadre financier actuel, qui détermine le budget de l'UE, est encore valable jusqu'en 2027. Le reste sera entre les mains du Parlement européen qui vient d'être élu... et de la prochaine Commission européenne qui est en cours de négociations.

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Le 1er juillet, les "cannabis clubs" ouvrent en Allemagne... ou pas

Des plants de cannabis dans un appartement berlinois
Axel n'attend pas l'ouverture des clubs de cannabis : il cultive lui-même trois plantes, en toute légalitéImage : Julien Méchaussie/DW

Vu d'Allemagne, deuxième partie... On reste en Europe et même en Allemagne. Après des décennies de répression, le pays a décidé d’effectuer un virage à 180 degrés dans sa politique contre les stupéfiants : depuis le 1er avril dernier, posséder et consommer du cannabis est désormais légal pour les personnes de plus de 18 ans. 

Si le cadre juridique est extrêmement strict, notamment sur les quantités et la consommation dans l’espace public, l’Allemagne est devenue le pays d'Europe le plus progressiste en matière de cannabis. 

Lundi 1er juillet, une nouvelle étape va être franchie : des “cannabis clubs” pourront officiellement ouvrir leurs portes. Des lieux de production et de vente de cannabis tout à fait légaux.

Mais face aux difficultés administratives et à la stigmatisation encore très forte, les cannabis clubs semblent encore être un rêve très lointain pour les consommateurs. Depuis Berlin, le reportage de notre correspondant Julien Mechaussie

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